Tchad : les complices de Habré jugés et condamnés

25 mars 2015

Tchad : les complices de Habré jugés et condamnés

Ça y est! le verdict est tombé ce mercredi 25 mars à la cour criminelle spéciale de Ndjamena. Certaines victimes du régime tortionnaire de l’ancien président tchadien Hissene Habré peuvent respirer. Les complices du dictateur ont été jugés et condamnés pour des crimes commis entre 1982 et 1990. Vingt agents de la police politique de l’ancien président sont condamnés pour torture. Ils doivent 75 milliards CFA ($125 millions) de dommages aux 7000 victimes!
Parmi les accusés 7 ont été condamnés à la prison à perpétuité dans le cadre de ces procès.

Victime de Habré lors de l'attente du verdict. (Ph.DR)
Victime de Habré lors de l’attente du verdict. (Ph.DR)

« Vingt-quatre ans après la fin de la dictature de Habré, et 14 ans après que les survivants aient ont déposé leur plainte, le verdict d’aujourd’hui et l’ordre de réparation sont des victoires éclatantes pour les victimes de Hissène Habré » a déclaré Reed Brody, conseiller juridique à Human Rights Watch qui travaille auprès des victimes depuis 1999 et qui a assisté au procès. « La condamnation des responsables de l’appareil sécuritaire de l’État pour des violations des droits de l’homme constitue non seulement un hommage à la persévérance et à la ténacité des victimes, mais aussi un événement notable dans un pays ou les atrocités restent trop souvent impunies. »
Pour les Tchadiens qui ont vécu directement ou indirectement ces atrocités, c’est une victoire que de savoir les coupables enfin punis.
Ce jugement, le premier du genre au Tchad permettra de stopper les hommes de pouvoir aux placards noirs et pleins de cadavres à arrêter les crimes et tortures.
C’est aussi une occasion pour les victimes de se sentir soulagées après 20 ans de lutte pour que justice soit faite.
Non seulement le régime de Hissene Habré a fait d’innombrables morts, des milliers de handicapés ainsi que des veuves et orphelins, mais il a marqué aussi des esprits des douleurs insupportables et difficiles à soigner.
Tueries, tortures, trahisons formaient un trio parfait pour Habré et sa bande. Enfants, femmes et hommes, chacun a subi à sa manière les supplices de la tristement célèbre Direction de la documentation et de la sécurité DDS.
Voir aujourd’hui certains complices jugés est une satisfaction en attendant le jugement prochain de l’ancien dictateur tchadien détenu à Dakar. « Enfin, enfin, les hommes qui nous ont brutalisés et qui ont ri de nous pendant des décennies ont eu ce qu’ils méritaient » a déclaré Clément Abaifouta, président de l’Association des victimes des crimes du régime de Hissène Habré (AVCRHH). En tant que prisonnier il avait été forcé de creuser des charniers et d’enterrer de nombreux codétenus. Son souhait : « Le gouvernement doit maintenant mettre en application cette décision pour que les victimes obtiennent enfin réparation pour leurs souffrances et que des mesures soient prises pour que nous ne tombions pas dans l’oubli ».

Pour rappel, le président tchadien Hissène Habré est chassé du pouvoir et s’enfuit au Sénégal en décembre 1990. En mai 1992, après 17 mois de travail, la Commission nationale d’enquête « sur les crimes et détournements commis par l’ex-président, ses coauteurs et/ou complices », créée par décret en 1990 au Tchad, publie son rapport. La Commission a établi un bilan de 3 806 personnes – dont 26 étrangers – mortes en détention ou exécutées extrajudiciairement pendant la période 1982-1990, et a calculé que le bilan pourrait atteindre les 40 000 morts. Elle a recensé 54 000 détenus (morts et vivants) pendant la même période. La Commission a estimé que le travail qu’elle a effectué ne représentait que 10 % des violations et crimes commis sous Habré. c’est ainsi que le 26 janvier 2000, sept victimes tchadiennes déposent une plainte contre Habré à Dakar… Une longue bataille commence donc pour arriver à cette première victoire.
Avec ces condamnations, nous espérons que plus aucun Tchadien ne subira des telles atrocités et que tous les dirigeants africains, de peur d’être rattrapés par l’histoire, arrêteront de massacrer leurs peuples.

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